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Interview de Géraldine Bénichou

p { margin-bottom: 0.25cm; line-height: 120%; }Géraldine Bénichou, directrice artistique du Théâtre du Grabuge, revient à Sevran le vendredi 9 mars présenter son spectacle « Décalage-toi » qui fera intervenir des Sevranais en vidéo dans le cadre de la semaine « Egalité Femmes / Hommes, Sevran s'engage ».

Comment décririez-vous le spectacle ?
Ce spectacle est hybride, il mélange aussi bien du burlesque qu'une dimension plus dramatique, il intègre du slam… Il est à la fois léger et fort. Puisqu'il part de témoignages, de vécu, il est touchant et parle à tous les types de public, comme nous avons pu le voir en le jouant au festival d'Avignon. Nous avons rencontré des personnes pour aborder avec elles les inégalités sexistes, racistes et de classes sociales : comment elles les vivent et comment elles les combattent, avec leur courage. La particularité de « Décalage-toi » est que nous sommes partis d'une étude qui a été faite à partir de témoignages par des chercheurs en psychologie sociale sur la manière dont les gens vivent les inégalités dans les quartiers prioritaires de Lyon. Comment on peut les nommer, les comprendre et les combattre. Le spectacle aussi s'articule autour de ces trois dimensions. Ce que j'ai compris de la psychologie sociale est que c'est avant tout une méthode pour changer de lunettes : les inégalités ne sont pas un état de fait. Ce travail a donné naissance à « Au royaume de Marianne », petite forme qui a tourné à domicile avec le Théâtre de la Poudrerie en 2015-16. S'est ensuivi un travail d'un an à Lyon avec les habitants de recueil de témoignages, qui apparaissent dans le spectacle sous forme de vidéo, de chansons, de slam. Raconter la France depuis les quartiers populaires, c'est aller dans le sens inverse de ce qu'il se passe habituellement, où on parle de la banlieue depuis l'extérieur. D'autant que la banlieue est l'objet de stigmatisation alors que les inégalités existent partout en France. « Pour une fois vous ne parlez pas à notre place, » nous a dit une adolescente après que nous ayons joué le spectacle dans son école.

À Sevran, le soir du spectacle, nous allons projeter une vidéo de Sevranais qui témoignent. Sylvain Bolle-Reddat - qui en connaît déjà beaucoup pour avoir joué ici, et notamment chez eux - et moi-même venons pour rencontrer une quarantaine de Sevranais avec une pluralité d'âge et de parcours.

 

Vous connaissez bien Sevran pour y avoir mené plusieurs projets participatifs, avez-vous une émotion ou un plaisir particulier à revenir ici ?
Oui, la particularité du Théâtre du Grabuge est de créer des spectacles qui passent par la rencontre avec les gens sur des questions de société, et nous l'avons déjà fait ici avec le Théâtre de la Poudrerie, la première fois avec « Pose ta valise » en 2012, le dernier spectacle étant « Passerelle Antigone » en 2016. Pour nous, Sevran est une ville douce, riche, plurielle et ouverte, qui nous a toujours bien accueillis. Nous rencontrons chaque fois de nouveaux habitants. J'ai aussi repris contact avec des habitants qui ont participé à « Passerelle Antigone ». J'hésite toujours à le faire, parce que c'était il y a deux ans, j'ai peur de déranger… et finalement on mesure – c'est chouette ! - à quel point de vrais liens se sont instaurés et que nous avons laissé des traces heureuses. C'est un pas pour combattre les inégalités.

 

Qu'est-ce qu'apporte selon vous le fait de faire participer des habitants à des créations théâtrales ?
Pour moi, notre rôle est d'être des passeurs de différentes façons de raconter le monde. C'est important de faire émerger une pluralité de points de vue. J'ai lu « Le spectateur émancipé » de Jacques Rancière et j'ai compris pourquoi ça me paraît important en lisant cette phrase : « Une communauté émancipée est une communauté de conteurs ». Ça me fait penser à un proverbe chinois que j'aime beaucoup : « Quand la lune brille, le plus malheureux n'est pas l'aveugle mais le muet », parce qu'il ne peut pas partager son émerveillement.

 

Théâtre du Grabuge


Informations pratiques

Date : Vendredi 9 mars à 20h30

 

Lieu : Micro-Folie
14, avenue Dumont-D'Urville
93270 Sevran

 

Entrée libre sur réservation (contrairement à ce qui est indiqué dans "Sevran le journal" de février sur le tarif)

Publié le 25 janvier 2018