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Interview : Construire la ville avec la matière qui est sous nos pieds

P { margin-bottom: 0.21cm; }La terre crue, matériau de construction ancestral, supplanté par le béton, refait surface. A Sevran, le projet Cycle Terre va prouver qu’on peut créer des emplois et construire logements et équipements. Explications avec l’un de ses initiateurs, l’architecte Paul-Emmanuel Loiret.

Enseignant à l'Ecole nationale supérieure d'architecture de Grenoble, mais aussi membre de CRAterre, un centre de recherche international dédié à la construction en terre crue, l’architecte Paul-Emmanuel Loiret (Agence Joly & Loiret) est l’un des initiateurs de Cycle Terre, un projet de recyclage de terres excavées dont « Sevran le Journal » vous a donné la primeur fin 2017 – lire l'encadré. Il nous en dit un peu plus sur cette architecture qui veut bâtir des constructions durables, humaines, loin du tout-béton.
 
Pouvez-vous nous expliquer l’intérêt pour un architecte aujourd’hui de s’appuyer sur les techniques de construction en terre crue ?
 
D’abord, il faut préciser que l’emploi de la terre crue est une technique qui a été utilisée partout dans le monde, de différentes manières, depuis près de 10 000 ans. Et puis, en Europe, après la Première Guerre Mondiale il a fallu reconstruire vite et le béton s’est imposé. Les techniques régionales – le torchis, un mélange de terre et de paille, dans le Nord, le pisé, une terre compressée dans la région Rhône-Alpes pour prendre les principaux exemples en France – ont alors peu à peu disparu. Mais, aujourd’hui, face à la crise écologique, ces techniques doivent être remises en avant, surtout au moment où la recherche scientifique a beaucoup évolué sur les potentialités de la terre crue. Donc, ce qu’on veut faire, et Sevran sera en pointe là-dessus, c’est bâtir la ville de demain avec la matière, la terre à recycler, qui est sous nos pieds.
 
D’où l’idée pionnière de Cycle Terre à Sevran…
 
Oui parce que la terre, comme le bois ou la paille, possède une très faible empreinte carbone. Et, surtout nous avons démontré en 2016 à travers notre projet d’une tour en terre à Paris et notre exposition au Pavillon de l’Arsenal à Paris – en partenariat scientifique avec CRAterre et Amàco* – que l’on pouvait utiliser les déblais liés aux chantiers de construction pour faire des enduits, des briques, des murs, bref construire des bâtiments durables. En résumé, ce que l’on propose de faire à Sevran est à la fois ancré dans l’histoire et innovant. Il y a des millions de tonnes de terre venus des chantiers du Grand Paris dont on ne sait pas quoi faire, utilisons-les de manière intelligente et durable.
 
* Amàco ou Atelier de Matières à Construire est un centre de ressources pédagogiques dédié aux sciences de la matière pour la construction durable.


Cycle Terre, un projet de dimension européenne

 

 

Le projet Cycle Terre – développé entre autres par la ville de Sevran, l’Agence Joly & Loiret, Grand Paris Aménagement, CRAterre – a été lauréat en octobre dernier d’un l'appel à projets du Fonds Européen de Développement Régional (FEDER). Un cofinancement européen de 4,8 millions d'euros, soit 80 % du budget prévisionnel, permettra de créer une « unité de fabrication mobile » d'ici 2019, à Sevran. 

Publié le 01 mars 2018