TopHAUT

Kesho : rencontre avec Valérie Suner et Carole Karemera

Le Théâtre de la Poudrerie s’associe à l’Ishyo Arts Centre (Rwanda) pour le projet « Kesho », des échanges et rencontres sur la préservation de l’environnement qui aboutiront à la création de plusieurs spectacles. Rencontre avec Valérie Suner et Carole Karemera, directrices des deux structures.

Qu’est-ce que le projet Kesho ?
Carole Karemera :
Kesho, en swahili*, ça veut dire demain mais aussi hier. L’idée, c’est de créer un espace de rencontre interdisciplinaire autour de questions vitales : la préservation de l’environnement et donc par conséquent de l’espèce humaine qui en fait partie. C’est une réflexion qui a commencé à Sevran en octobre avec la 2e édition des Rencontres du Théâtre de la Poudrerie autour de l’écologie populaire.
Valérie Suner : C’est mettre en regard des pratiques écologiques de citoyens de Sevran et de Kigali, en ouvrant la réflexion entre les artistes, chercheurs, scientifiques et habitants des deux pays. De ce partage, vont découler plusieurs spectacles qui seront présentés sur les deux territoires. Notre objectif, ce n’est pas de culpabiliser les gens, de les assommer avec ces problèmes d’urgence climatique. Kesho, c’est comme si on se donnait la main entre Kigalois et Sevranais. D’un bout à l’autre de la terre, on essaye d’œuvrer dans le même sens.
C.K. : Ce que je trouve intéressant avec ce projet, c’est que les artistes n’arrivent pas à la fin de la réflexion pour la restituer mais y participent. L’idée, c’est de se demander ce qu’on peut faire à notre échelle. Comment faire en sorte que toutes ces questions ne soient pas uniquement réservées aux spécialistes. C’est vraiment redonner à chacun confiance en ses capacités à réfléchir à des solutions.
V.S. : C’est exactement la légende du colibri de Pierre Rabhi. Si chacun fait sa part, on peut essayer d’éteindre le feu. Il y a des pratiques d’écologie citoyenne formidables à Sevran ou à Kigali qui ne sont pas mises en évidence, on veut les confronter à des problématiques scientifiques et les sublimer par la question artistique.

En quoi est-ce intéressant de réunir les points de vue de Sevranais et de Kigalois ?
V.S. : Sevran et Kigali ont un point commun, ce sont deux villes en pleine transformation urbaine et qui ont la volonté de devenir des villes plus vertes.
C.K. : Oui, c’est important de rappeler ce qu’on a en commun. On nous rappelle tellement souvent que d’un bout à l’autre de la planète on doit être différents, qu’on ne partage rien et que c’est la raison pour laquelle on doit être de plus en plus individualistes. Avec le projet Kesho, ce qui est très chouette, c’est que même si nous sommes à 10 000 kilomètres les uns des autres, nous avons des préoccupations communes et on peut s’enrichir mutuellement.

Est-ce la crise sanitaire qui vous a inspiré ce projet ?
V.S. : Non, l’idée nous est venue lors des premières rencontres du Théâtre de la Poudrerie en 2018. Le philosophe Patrick Viveret, en concluant les échanges, mettait en parallèle les arts participatifs et la transition écologique. En 2019, nous avons commencé à travailler à ces questions avec la création d’un musée de la personne par le collectif artistique du GDRA. Ce musée mettait en avant le rapport des habitants au territoire et à la rénovation urbaine. Mais, c’est vrai que finalement, la crise sanitaire nous rappelle à quel point on est tous liés les uns aux autres. Ce qu’il s’est passé en Chine, ça a des répercussions sur l’ensemble de la planète. A Kigali ou à Sevran, on vit exactement la même chose. C’est la leçon que nous donne ce virus.

Comment s’organise le projet ?
V.S. : Nous allons organiser des rencontres aux formes différentes entre plusieurs intervenants. Nous recevrons notamment le collectif d’artiste GONGLE, Bruno Latour et David Wahl.
C.K. : C’est un projet sur trois ans, ce qui nous laisse le temps de nous rencontrer vraiment, d’échanger et de partager des connaissances. Ensuite, nous réfléchirons aux projets artistiques qui peuvent émaner de ce dialogue. Comment est-ce qu’on travaille, nous, artistes du théâtre en particulier, à rendre ces discussions accessibles ? Comment permettre à l’art d’agir au plus près des questions du monde ? Il est difficile pour l’instant de dire à quoi ressembleront les formes artistiques parce qu’elles vont fondamentalement s’inspirer des discussions entre Sevran et Kigali.

Quelles sont les prochaines étapes ?
C.K. :Une plateforme d’échanges entre Sevran et Kigali est en cours de création.
V.S. : Nous participons à la Semaine des droits des femmes à Sevran. Le 13 mars, nous diffuserons six pastilles vidéo qui mettent en valeur des initiatives d’écologie citoyenne de Sevranaises et de Kigaloises, suivies d’un débat. Si la situation sanitaire le permet, cette projection aura lieu à la Micro-Folie en duplex avec Kigali, sinon, la soirée sera retransmise en ligne. Nous invitons tous les Sevranais intéressés par ces questions à y assister !

* langue d’Afrique subsaharienne

Ce projet est lauréat du label Accès culture de l’Agence Française de Développement en partenariat avec l’Institut français.

Plus d’infos au 01 41 52 43 34, sur www.theatredelapoudrerie.fr et sur la page facebook @Kesho

 

Publié le 26 janvier 2021